Le conte d’hiver

de William Shakespeare

La faille du temps

de Jeanette Winterson

Hiver ou printemps, qu’importe, c’est au printemps que Le Divan littéraire de Vincennes, se riant des saisons, a inscrit Le conte d’hiver à son programme. Lundi 3 avril 23, notre so british book-club (ce soir-là, en tout cas) a donc commenté The winter tale, mais aussi The gap of time (La faille du temps). Le second titre est celui d’un roman de l’autrice britannique Jeanette Winterson ; le premier est signé William Shakespeare.

Justement.  Cette soirée littéraire était à l’agenda du formidable événement Shakespeare d’avril, organisé par La Fabrique Shakespeare, de notre chère Marie-Pierre Dupagne. Echarpe jaune en bandoulière, ses bénévoles avaient tôt investi le perron de la Maison des associations pour accueillir les participants à notre réunion. A Marie-Pierre comme à toute son équipe, un grand merci.

Cherry on the cake, Marie-Pierre nous a régalé de la présence de Sylvain Levitte, pour qui Le conte d’hiver n’a plus de secret. Comédien, metteur en scène, avec sa compagnie Les choses ont leur secret, notre désormais ami du Divan littéraire a monté Le conte d’Hiver, dans la traduction de Bernard -Marie Koltès (dont, dès sa troisième réunion, en 2015, Le Divan littéraire de Vincennes avait commenté la fameuse pièce Dans la solitude des champs de coton).

C’est à l’occasion du 400e anniversaire de la mort de Shakespeare (1617) que les éditions Hogarth ont demandé à des écrivains de réécrire des pièces du Barde d’Avon (Hogarth Shakespeare project). Huit d’entre elles, à ce jour, l’ont été, dont Le conte d’hiver, devenu La faille du temps, sous la plume de Jeanette Winterson.

Notre ami Michel vous propose ci-dessous le compte rendu de la réunion du Divan littéraire d’avril, à Vincennes, consacrée à ces deux œuvres. Bonne lecture.

Pour rappel , l’ultime représentation du Conte d’Hiver est programmée samedi 20 mai, au château d’Hardelot (Pas-de-Calais). A vos agendas !

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… de la part de Michel, donc :

« La jalousie est au cœur de la pièce, et reprenant une hypothèse de Bernard-Marie Koltès, Sylvain Levitte s’est interrogé : Hermione avait elle vraiment fauté avec Polixène, neuf mois avant son procès et neuf mois avant la naissance de la petite Perdita, la jalousie de Leonte n’était elle pas justifiée ? Le conte d’hiver ne le dit pas, ni ne dit le contraire. C’est une des formes du génie de Shakespeare d’autoriser une pleine liberté dans le déroulement de l’intrigue. La question de la faute d’Hermione et de Polixène est donc ouverte.

Mais la raison nous dit qu’ils sont innocents :

-la jalousie de Leonte est éveillée par des raisons futiles et ténues : Polixène veut retourner chez lui, et c’est Leonte lui même qui demande à Hermione de le retenir en Sicile. Cette jalousie semble donc être le pur fruit de l’imagination de Leonte, qui pousse son vice jusqu’à inciter Hermione et Polixène à se promener seuls au jardin, puis à accuser Camillo d’être l’instigateur et le révélateur de leur liaison. Dans sa démarche d’accusation, il se retrouve seul contre tous, tel le conducteur à contresens sur l’autoroute. Peut il penser que tous les autres sont dans l’erreur, et lui seul dans la vérité ?

-la jalousie agressive de Leonte culmine au procès d’Hermione. Mais on apprend soudain la mort de Mamillius, qui confirme l’oracle de Delphes (lequel, déjà, innocentait Hermione et Polixène).

En un instant, Leonte reconnait son erreur, sa jalousie fait place au repentir, et il demande pardon à tous ceux qu’il accusait. Paulina annonce alors que la reine Hermione n’a pas survécu aux malheurs qui l’accablent. Pour Leonte, c’est le coup de grâce, il s’engage durablement sur la voie de la rédemption la plus humble.

Le génie de Shakespeare se manifeste aussi dans la cohabitation de toutes les couches sociales, rois, reines, princes et princesses, jusqu’aux bergers, vagabonds et brigands, en passant par seigneurs et courtisans qui suivent le mouvement général.

Le conte d’hiver donne une peinture contrastée de la royauté et de la noblesse :

– les deux rois Leonte et Polixène ne font pas preuve de grandes capacités de jugement. A certains instants clés du conte, chacun s’emporte contre son entourage, révélant son outrance et sa mauvaise perception des situations. Mais comme ils sont rois, ils décident seuls contre tous.

– à l’opposé, le destin de Perdita illustre les grandes qualités naturelles et héréditaires de la noblesse. Elle est née fille de roi, mais elle a passé sa vie en fille de berger. Au final, à 16 ans, elle a l’apparence et les qualités d’une reine, et attire l’amour du prince Florizel. Sa noble naissance a pesé plus lourd que son expérience de bergère.

– seul le personnage de Paulina illustre la force morale capable de s’opposer frontalement à la tyrannie du roi, et de peser sur le déroulement de l’intrigue. En proclamant la mort d’Hermione, voulait elle la protéger, ou punir Leonte ?

Le conte d’hiver raconte des faits tragiques, avec des morts cruelles, mais il se termine bien. Ce n’est donc pas une tragédie, mais une comédie qui a inspiré le débat au sein des nombreux intervenants du Divan littéraire.

Michel

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